Ascendant/ domination physique, intellectuel et/ou moral exercé par un individu sur un autre individu. Avoir de l’emprise sur quelqu’un.

L’emprise psychologique est un processus de manipulation mentale, d’exploitation et/ou de violences psychologiques d’une personne pour parvenir à ses fins, la naturalisation du désir d’autrui et l’abolition de son altérité. La séduction et la force sont deux des moyens pour contrôler la victime. Ce phénomène est long, insidieux et peut exister dans de nombreuses situations. Roger Dorey (1981) considère que ce processus se déroule en 4 étapes : appropriation, dépossession, domination, soumission.

« La thèse centrale du livre  [de C. Delphy et Diana Leonard]  peut être résumée ainsi : l’ensemble du travail domestique est extorqué aux femmes au profit de leur conjoint ; c’est un fait structurel central de notre société, au même titre que l’extorsion de la plus-value sur le travail des ouvrières et ouvriers par le capitalisme. Ces deux extorsions (patriarcale et capitaliste) sont interreliées, s’influencent réciproquement, mais ne s’emboîtent pas parfaitement (aucune ne prend le pas sur l’autre ; aucune n’est principale ou secondaire par rapport à l’autre). (Ref. : CRESSON Geneviève, « Christine Delphy et Diana Leonard : L’exploitation domestique », Nouvelles Questions Féministes, 2020/2 (Vol. 39), p. 164-168. DOI : 10.3917/nqf.392.0164. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2020-2-page-164.htm).
Voir Oppression.

Fait de société / sujet de société : Phénomène caractéristique de tendances dans la vie sociale d’un pays ou d’un groupe (le rapport avec l’éducation, le mariage, le divorce, l’urbanisation, la consommation d’énergie, la violence, l’inceste, etc.)

On parle du passage du fait divers (événement isolé) au fait de société lorsqu’un phénomène social (répété et souvent dysfonctionnel) est mieux compris, que son fonctionnement, en tant que mécanisme social, est démontré, ou son importance chiffrée connue. Une telle transformation apporte un nouveau regard sur un sujet ancien. Pour illustration, le passage de la catégorie « crime passionnel » à la catégorie « féminicides » pour indiquer les points communs entre ces types de crimes illustre, par leur nombre et par leur fréquence, le passage du traitement de ces faits de la catégorie fait divers à la catégorie fait de société.

Pour un exemple du passage du fait divers au fait de société : Amandine KERVELLA, « Du fait divers au fait de société : l’affaire du RER D », Les Cahiers du journalisme n o 17 – Été 2007, pp. 284-294.

Pour aller plus loin : Rose Lamy, Défaire le discours sexiste dans les médias, Paris, JC Lattès, 2021.

Le fait-divers :

  • Est une « rubrique rassemblant les événements du jour tels les crimes, les accidents, les catastrophes, les enlèvements, les vols, les agressions, etc. […] En talien : cronaca -> faire diversion, tournée, voyeurisme» (Jacques Le Bohec, Dictionnaire du journalisme et des médias, Rennes, PUR, Coll. « Didact communication », 2010, p. 244.).
  • Est une « information du « prêt-à-lire » » (Constant, 2005, p. 95) mobilisant les affects et des sensations fortes des lecteur.trice.s, notamment leur indignation, leur pitié, leur dégoût, l’injustice, la révolte ou encore leur horreur. Le fait-divers répond en quelques lignes aux questions « qui », « que », « quoi », « où », « comment », mais rarement au « pourquoi » (lequel questionne la logique des choses) pour décrire l’événement ou le fait qui est très souvent insolite, sensationnel, exceptionnel, extraordinaire, hors normes, mystérieux, dramatique ou avec une part de suspens. Par conséquent, les faits divers possèdent une dimension spectaculaire et captivante. A ce propos, l’historien Gérard Noiriel explique que le fait-divers combine « des éléments empruntés à la science (le fait vrai et vérifié) et des éléments empruntés à la littérature » (mise en intrigue), ce qui assure son succès. Selon le philosophe français Roland Barthes (1915-1980), le fait-divers a pour fonction de « préserver au sein de la société contemporaine l’ambiguïté du rationnel et de l’irrationnel, de l’intelligible et de l’insondable ; et cette ambiguïté est historiquement nécessaire dans la mesure où il faut encore à l’homme des signes (ce qui le rassure) mais où il faut aussi que ces signes soient de contenu incertain (ce qui l’irresponsabilise) » (p. 197) ;
  • Mobilise des stéréotypes sociaux, langagiers, narratifs et moraux, des dichotomies ou des antagonismes (la figure de la jeune victime vs l’auteur de violence) et produit un effet loupe sur un événement. Dans le cas de l’inceste, le parent/l’aïeul/le plus grand est supposé avoir le rôle de protecteur alors qu’il n’en n’est rien ;
  • Relate des événements qui sont d’un point de vue statistiques les moins fréquents (la majorité des agressions physiques et sexuelles sont commises par une personne proche de la victime, comme le rappelle les enquêtes de victimisation). Issu du tissu social, le fait-divers ne reflète qu’une partie de la réalité, occulte une partie du phénomène qu’il présente ainsi que la réalité…
  • Est une information peu coûteuse pour les rédactions.

Selon le sociologue français Pierre Bourdieu (1930-2002) « les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion » (Sur la télévision, Liber Editions, 1996). « Le fait divers, c’est cette sorte de denrée élémentaire, rudimentaire, de l’information qui est très importante parce qu’elle intéresse tout le monde sans tirer à conséquences et qu’elle prend du temps, du temps qui pourrait être employé à dire autre chose. » Pour Bourdieu, le fait divers exclut ou prend la place des sujets importants, des faits démocratiques. Il exploite les émotions des lecteur.trice.s et est repris à des fins politiques. Cependant, l’étude de la structure des faits divers permet, pour une catégorie des faits similaires, le passage du fait divers au fait de société.

Pour aller plus loin :

BALBASTRE Gilles « Les faits divers, ou le tribunal implacable des médias », Le Monde diplomatique, décembre 2004, pp. 14-15.

BARTHES Roland, « Structure du fait divers », Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, pp.188-197.

BASTIN Gilles (dir.), « F », Petit lexique du journalisme, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, Coll. « Journalisme en + », 2018, p. 69-74.

DUBIED Annik & LITS Marc, Le fait divers, Paris, PUF, Coll. « Que sais-je ? », n° 3479, 1999. (15% de l’ouvrage est accessible gratuitement ici).

DUBIED Annik, Les dits et les scènes du fait divers, Paris, Librairie Droz, Coll. « Travaux de Sciences Sociales », 2004.

DUFOUR François, « Les 100 mots du journalisme », Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2018, p. 7-126. URL :

HOUEL Annik, « Le crime passionnel, un crime sexiste », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, n° 25, 2011, pp. 12-12.

KALIFA Dominique, « fait divers en guerre » (1870-1914), Romantisme, n° 97, 1997, p. 89.

MERCADER Patricia, HOUEL Annik, SOBOTA Helga, « Le crime dit « passionnel » : des hommes malades de l’appropriation des femmes », Empan, n° 73, 2009/1, pp. 40-51.

NOIRIEL Gérard, « La fait-diversion de l’actualité », Acrimed, jeudi 15 novembre 2018.

VILA-RAIMONDI Martine, « Les cadres d’interprétation d’un lectorat de faits divers », Les Cahiers du Journalisme, n°14, printemps/été 2005, p. 247.

Féminicide :

« Meurtre d’une femme au simple motif qu’elle est une femme, quel que soit son âge et quel que soit le contexte. Ainsi, le terme féminicide désigne le meurtre d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe. De plus, même si les féminicides impliquent une haine envers les femmes, le terme féminicide désigne le meurtre comme tel. C’est à la sociologue et féministe sud-africaine Diana E. H. Russel que l’on doit la première utilisation de ce mot dans sa forme plus courte : fémicide. Puis, c’est en 2015 que le mot féminicide est intégré pour la première fois dans un dictionnaire de langue française, soit Le Petit Robert. » (https://csf.gouv.qc.ca/article/publicationsnum/bibliotheque-des-violences-faites-aux-femmes/feminicide/)

BODIOU Lydie, CHAUVAUD Frédéric, « Le féminicide, est-ce si nouveau ? », Travail, genre et sociétés, 2020/1 (n° 43), p. 149-153.

Christelle Taraud, historienne, directrice de l’ouvrage collectif “Féminicides : une histoire mondiale”, La Découverte 2022.

« La force unifiante du singulier de « féminisme » recouvre bien des diversités, des divergences, voire des oppositions radicales. Sur la maternité, la contraception et l’avortement, la prostitution, la galanterie, la laïcité, le voile, etc., les féministes ont eu (et ont) des positions différentes, liées à la diversité des contextes sociaux et nationaux, autant qu’aux itinéraires personnels et aux choix existentiels. En France, différentialistes et universalistes se sont affrontées jusque dans le débat sur la parité. Sans tenter un inventaire exhaustif d’une histoire mouvementée, cet article s’interroge sur les objets, les formes et les raisons de ces disparités, qui confluent néanmoins dans la puissance du mouvement pour l’égalité et la liberté des femmes ainsi que dans la remise en cause de « la domination masculine » ».

(Ref. Michelle PERROT « Féminisme pluriel », Revue Pouvoirs n°173 – juin 2020 – Les nouveaux féminismes – p. 5-13) https://revue-pouvoirs.fr/Feminisme-pluriel

« L’histoire du (ou des féminismes) est une composante absolument essentielle de l’histoire des femmes, en ce qu’elle les révèle non plus comme objets ou victimes de la domination masculine, mais comme sujets pensants et agissants ; elle nourrit leur conscience de soi, leur quête d’identité et leur désir de justice. » (Ref. Yvonne Knibiehler, « Avant propos », Karen Offen, Les féminismes en Europe 1700-1950, Rennes, PUR, 2012. p. 13)

« Plusieurs pièges sont à éviter avant de tenter une définition. Il faut s’interdire l’anachronisme d’abord, mais aussi le subjectivisme, prendre en compte la diversité des féminismes, ne pas privilégier un type de féminisme au détriment d’un autre, considérer avec la plus grande attention l’autodéfinition des actrices/acteurs de l’émancipation des femmes, apprendre à reconnaître les pseudo féminismes. L’opération est donc difficile. Elle se fait en tenant compte du lieu, du moment, du contexte, des circonstances d’énonciation… » (Ref. Christine Bard (dir.), « Introduction », Les féministes de la première vague, Rennes, PUR, 2015. p. 20).

« Le féminisme le plus visible est celui qui revendique son autonomie, dans des associations qui se proclament indépendantes. Mais, il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg – ou du volcan. Les partis, les syndicats et de nombreuses associations développent une action et une réflexion féministes. Le féminisme se déploie aussi dans le monde de la culture et de la connaissance, avec des intellectuelles, des expertes, des journalistes, des auteures, des artistes, des femmes pour l’essentiel, mais aussi des hommes. » (Ref. Christine Bard (dir.), « Ecrire l’histoire des féminismes : bilan et perspectives », Les féministes de la deuxième vague, Rennes, PUR, 2012. p. 13).

Féminités :

Les féminités sont multiples car les identités sexuées ne sont pas binaires et s’expriment pour chaque individu selon des modalités très variées et complexes contrairement au préjugé sexiste et stéréotypé qui vise à imposer une représentation simpliste et univoque pour deux groupes d’individus distingués a priori par leur sexe biologique, les femmes et les hommes.

Flora Tristan, née le 7 avril 1803 à Paris et morte le 14 novembre 1844 à Bordeaux, est une femme de lettres, penseuse, militante socialiste et féministe française. Figure majeure du débat social et du socialisme utopique dans les années 1840, elle prendra part aux premiers pas de l’internationalisme.

« On oppose généralement le sexe comme ce qui relève du biologique et le genre (gender en anglais) comme ce qui relève du social. […] Les sociétés humaines, avec une remarquable monotonie, sur-déterminent la différenciation biologique en assignant aux deux sexes des fonctions différentes (divisées, séparées et généralement hiérarchisées) dans le corps social en son entier. (Ref. : Nicole-Claude Mathieu, « Sexe et Genre », Helena Hirata, Françoise Laborie, Hélène Le Doaré, Danièle Senotier (coord.), Dictionnaire critique du féminisme, PUF, 2000, p.191 et 192).

« Un mode de conceptualisation du rapport entre sexe et genre (exposé en France par le collectif de la revue Questions féministes, 1977/1980) considère que les sexes ne sont pas de simples catégories biosociales mais des classes (au sens marxien) constituées par et dans le rapport de pouvoir des hommes sur les femmes, qui est l’axe même de la définition du genre et de sa précédence sur le sexe — cf. Delphy, 1991 : le genre construit le sexe. » (Ref. Nicole-Claude Mathieu, « Sexe et genre », in Helena Hirata, Françoise Laborie, Hélène Le Doaré, Danièle Senotier (coord.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, p. 195 ; Christine Delphy, « Penser le genre : quels problèmes ? », Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail, Hélène Rouch (éd.), Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, Paris, Editions du CNRS, 1991b. p. 89-101).)

« Le genre est mentionné au singulier, et non pas les genres au pluriel ; c’est qu’il s’agit du genre comme principe de division. « Le genre est le système de division hiérarchique de l’humanité en deux moitiés inégales. » (Ref. : « Christine Delphy : « Penser le genre ». Note de lecture par Françoise Armengaud, Nouvelles Questions Féministes, 2002/1 (Vol. 21), p. 126-133. DOI : 10.3917/nqf.211.0126. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2002-1-page-126.htm)

Le concept de Genre tel que pensé par Joan Scott, est une catégorie utile d’analyse historique sans fétichisme de la définition du mot, mais au contraire pour répondre aux questions suivantes : comment le genre fonctionne-t-il dans les rapports sociaux humains ? Comment le genre donne-t-il un sens à l’organisation et la perception de la connaissance historique ? « Le genre est donc un moyen de décoder le sens et de comprendre les rapports complexes entre diverses formes d’interaction humaine. » (Joan Scott, « Genre : Une catégorie utile d’analyse historique », (Traductrice : Eléni Varikas), Les cahiers du GRIF, 1988, numéro thématique Le genre de l’histoire, 125-153. P. 144) https://www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1988_num_37_1_1759, 1988.)