Compte-rendu établi par Faouzia Righi et Anne Schneider pour la 1ère journée
et par les étudiants du master « Médiation culturelle et enseignement » pour la 2e journée.

Ce compte-rendu est aussi disponible sur le site de la MRSH de Caen.

Le colloque international « Éduquer au(x) féminisme(s) » organisé par Anne Schneider, MCF HDR en langue et littérature françaises, formatrice à l’INSPE de Normandie Caen, laboratoire LASLAR ER4256, s’est inscrit dans le cadre du Projet de Recherches Émergent Normand EQELLES : « En-Quête de soi, En-Quête d’elles : de la trajectoire franco-algérienne de Leïla Sebbar à l’aventure collective des femmes (1970-2020) : quel héritage ? »

Il s’est proposé d’explorer les liens entre la diffusion des idées féministes de la fin des années 1970 et le féminisme de la troisième vague #MeToo, dans le cadre des pratiques contemporaines d’éducation au(x) féminisme(s), qui recouvrent des mouvements souvent pluriels. Il a interrogé en particulier l’influence des journaux et revues féministes du Mouvement des Femmes sur le féminisme contemporain, ainsi que la manière dont les professionnel.les de l’éducation s’en emparent. Il s’est intéressé aux idées et aux ressources féministes véhiculées dans la littérature jeunesse ainsi que dans les outils et supports pédagogiques et a envisagé la façon dont celles-ci peuvent être mobilisées dans l’enseignement d’aujourd’hui.

Le colloque a été soutenu par l’unité de recherches L.A.S.L.A.R de l’Université de Caen, par l’IMEC, l’INSPE Normandie Caen et la MRSH. Il a réuni une cinquantaine de personnes le premier jour et environ cent cinquante étudiant.es le deuxième jour à l’INSPE. Ceux-ci ont posé de nombreuses questions, signe que ce sujet de l’éducation aux féminismes rejoint leurs préoccupations dans leur quotidien au sein des écoles.

La première journée de ce colloque, le mardi 5 décembre 2023 s’est déroulée à l’IMEC. Elle s’est, entre autres, intéressée aux mouvements féministes mis en avant par la presse et les différentes revues pionnières permettant la valorisation de ces mouvements. La deuxième journée avait, elle, comme axe principal la transmission et les différentes pratiques éducatives de ces dernières années autour de la question des féminismes.

1 ère journée :

Matin : « Les revues des mouvements des femmes vectrices des idées féministes contemporaines »

Pour introduire ce colloque, Lucie Barette de l’Université de Caen Normandie est revenue sur le XIXe siècle par l’étude de la presse féminine, au temps où tout l’imprimé périodique se développe très vite. Elle a montré comment les femmes restent prisonnières d’injonctions domestiques, bien que les journaux oscillent parfois entre sujétion et émancipation, en cautionnant et en dénonçant tout en même temps les normes patriarcales réaffirmées au XIXe siècle. En effet, souvent pensés comme des « Corsets de Papier », les journaux du XIXe siècle, vecteurs de l’histoire de la presse féminine nous en apprennent beaucoup sur l’histoire des femmes, coincées entre absence de pouvoir politique et relégation dans la sphère domestique.

La communication de Kathleen Gyssels de l’Université d’Anvers (Belgique) nous a emmené vers d’autres aires géographiques, à Haïti, une des plus anciennes colonies de France, où « La voix des femmes passe par la première revue afroféministe du pays. » Si les revues « masculines », telles que L’Etudiant noir, La Dépêche africaine ou La Revue du monde noir sont plus connues du public, la revue La Voix des femmes cofondée par Madeleine Sylvain (1905-1970) en 1934 avec Louise Mayard et qui durera une décennie est tout aussi intéressante à étudier comme représentative d’une lecture féministe du monde grâce à cet espace de « parole de femmes », propre aux femmes, totalement inédit créé dans le sillage de « La Ligue féminine d’action sociale (des Haïtiennes) », une association visant l’amélioration de la condition féminine. Après une parution régulière bimensuelle, la revue, parce que revendiquant de plus en plus ouvertement les droits des femmes, fut abandonnée sous la contrainte du dictateur Duvalier.

Faouzia Righi, doctorante de l’Université de Caen-Normandie a poursuivi ce tour d’horizon par la Tunisie découvrant l’intérêt des revues féministes des années 1936 à 1987. Cet état des lieux nous a plongé dans une connaissance précise de trois revues féminines. Les autrices, les différentes modalités rhétoriques et les choix éditoriaux qui ont présidé à la publication de ces revues tunisiennes ont été analysés, montrant comment le discours féministe s’élabore en interaction avec un paradigme patriarcal, entre injonctions et émancipation. L’analyse de ces revues (Leïla, Faïza, Nissa) montre des luttes féministes en quête d’autonomie et de solidarité transnationale, révélant par là-même à quel point la question des femmes fut et reste centrale dans l’accomplissement de l’État démocratique tunisien.

Après-midi : « Histoires d’Elles et les autres : voix et écrits de femmes, des aventures collectives »

Barbara Rosenberg : « D’Histoires d’Elles à Courage, des revues féministes européennes. Perspectives transnationales. »

La séance de l’après-midi a commencé par la communication de Barbara Rosenberg qui fut journaliste dans les revues féministes Histoires d’Elles d’abord, en France, puis Courage en Allemagne ensuite. Née en Allemagne et arrivée à Paris dans les années 1970, Barbara Rosenberg eut un parcours d’enseignante avant de rejoindre pour trois ans et dans des conditions matérielles précaires l’équipe du journal Histoires d’elles en 1977. De retour à Berlin en 1981, elle devint rédactrice pour la revue Courage. En 2013, elle a exercé comme journaliste free-lance. Aujourd’hui, elle enseigne le français, l’allemand et le yoga.

La revue Courage

Elle paraît entre 1976 et 1984. Aujourd’hui, un blog de Courage relate les récits personnels des fondatrices et l’aventure de leur mensuel féministe. La date de parution de Courage est une date symbolique : le 17 juin 1976 est en effet un jour férié en Allemagne fédérale avant la chute du mur. C’est la date de commémoration de la grève des travailleurs à Berlin en 1953, grève qui a été écrasée par les tanks soviétiques. La première de couverture de Courage représente une femme qui tourne un film, c’est-à-dire qui exerce un métier encore largement masculin à l’époque. La subjectivité des rédactrices est mise en valeur dans les articles du magazine.

Barbara Rosenberg a souligné qu’il y avait une hiérarchie qui présidait à l’organisation du magazine : les hommes sont bannis, les lesbiennes ont les premiers postes, ensuite viennent les personnes hétérosexuelles, enfin les mères de famille, qui n’étaient pas toujours bien vues. Il y avait aussi une véritable répartition des tâches et toutes les contributrices devaient être rétribuées. L’objectif du mensuel était de montrer comment les femmes pouvaient défendre leurs propres intérêts et leur intégrité physique dans l’espace public. Souvent le nombre d’exemplaires était de 5000, parfois les tirages atteignaient les 7000.

La revue Histoire d’Elles

C’est le journal dans lequel Barbara Rosenberg a appris son métier de journaliste. Elle le décrit comme un vrai tournant dans sa vie professionnelle. Les tirages d’Histoire d’Elles pouvaient atteindre les 25 000 exemplaires. Le papier est son support principal et unique. C’est un journal où l’on rêvait de bouleverser le monde par l’action insurrectionnelle des femmes. À la Une sont représentées des femmes de tous les âges et de tous les pays. On pouvait lire plusieurs rubriques dans Histoires d’Elles. Plusieurs rubriques figurent dans ce journal où l’intime est considéré comme politique. Les événements politiques nationaux font aussi l’objet de nombreux articles. Le rapport avec les hommes est moins conflictuel que dans Courage. Les contributrices d’Histoires d’Elles interrogeaient la violence subie par les femmes et celle que ces dernières font subir. Alors que les décisions de la rédaction ont toujours été démocratiques, la décision d’augmenter le nombre de tirages a été prise unilatéralement par les rédactrices en chef ; cela mit fin à l’expérience commune du journal.

Audrey Lasserre, chercheuse FED-tWIN, UCLouvain et Musées royaux des Beaux-arts, Belgique : « Numériser Histoires d’Elles dans le cadre du projet FemEnRev » (porté par Christine Bard et Magali Guaresi)

La communication d’Audrey Lasserre a rendu compte du lien entre la transmission du féminisme et la numérisation de des revues féministes. Le travail de numérisation a prit pour point de départ l’archivage désordonné des revues. Audrey Lasserre a évoqué la difficulté technique et matérielle que représente la transmission numérique des valeurs subversives d’une revue. Elle a montré comment les revues archivées et numérisées sont une source qui permet d’élaborer l’histoire des femmes. L’archivage met en valeur le lien entre le mouvement des femmes dans les années 1970 et le mouvement littéraire et les sociabilités d’écritures qu’il a rendues visibles. La numérisation s’est faite en lien avec l’équipe de Persée. 22 numéros sont déjà en ligne et un site supplémentaire serait sans doute nécessaire pour mieux rendre compte des témoignages et explications en fonction des différentes disciplines des sciences humaines.

Le grand entretien qui a eu lieu avec Leïla Sebbar pour Histoires d’Elles, Xavière Gauthier pour Sorcières, les femmes vivent a permis d’évoquer le militantisme propre aux années 1970.

Animé par Anne Schneider, le débat a permis de revenir sur ces années d’effervescence politique, littéraire et militant. Les groupes de paroles ont permis à Leïla Sebbar de s’exprimer librement. Leïla Sebbar a aussi collaboré à la revue Sorcières et a été l’une des fondatrices d’Histoires d’Elles.

Xavière Gauthier, autrice d’une thèse en philosophie sur la misogynie des surréalistes, a ensuite parlé de la revue Sorcières qui a participé aux combats des femmes pour assurer le contrôle sur leur corps. C’est une revue où tout se faisait d’une manière artisanale. L’image est pensée dans son lien avec le texte. Les collaboratrices venaient de toute la France et d’ailleurs (Québec). Témoin d’une époque, Sorcières était aussi une revue de recherche où les écritures des femmes étaient plurielles et les échanges riches et démocratiques. L’Encyclopédia Universalis cite d’ailleurs la revue Sorcières comme une revue de référence.

2 ème journée :

Matin : « Ce que nous enseigne les idées féministes des années 1970 pour éduquer à l’égalité aujourd’hui »

Premier temps – La présentation de Sophie Heywood.

Sophie Heywood est une professeure et chercheuse anglaise, spécialisée dans la question de l’histoire dans la littérature jeunesse. Afin de commencer cette journée, Sophie Heywood, en visioconférence, a proposé une présentation autour de « La production des ouvrages féministes de littérature jeunesse en France dans les années 1970 et leur réactualisation », ce qui a permis une connexion avec la journée de la veille.

Les pionnières de l’édition féministe pour enfants ont marqué un tournant important dans l’histoire de la littérature jeunesse. Le best-seller international publié en XXX, Histoire du soir pour une fille rebelle a contribué à populariser le féminisme dans les livres pour enfants, redonnant ainsi de la pertinence à ce mouvement. En Europe, une collection franco-italienne des années 1970 a joué un rôle crucial, mettant en lumière le travail éditorial des femmes. L’avènement de la deuxième vague féministe dans les années 1960-1970 a conduit les féministes à s’intéresser de plus près aux livres pour enfants. Elles ont cherché à imaginer une enfance débarrassée du sexisme, à travers des récits et des personnages qui remettent en question les normes de genre. Des figures comme Simone de Beauvoir ont jeté les bases théoriques de cette réflexion, distinguant le sexe biologique de la construction sociale du genre. Cette vision a inspiré des éditrices et autrices comme Elena Gianni Belotti, dont le livre Du côté des petites filles publié en 1974 a directement influencé la création de collections féministes pour enfants. Des initiatives telles que la collection d’albums féministes lancée par Adela Turin et publiée aux Éditions des femmes ont donné naissance à des albums militants critiquant les stéréotypes de genre, comme Rose Bombonne, par exemple, publié en 1975 et illustré par Nella Bosniaou. Ces livres ont été le fruit d’une vision éditoriale féministe mettant en valeur la création des femmes dans la littérature jeunesse.

Le premier livre de cette collection, « Rosaconfetto », a marqué un tournant en présentant une histoire ouvertement féministe pour les enfants, remettant en question les normes de genre avec une fin heureuse où les distinctions entre hommes et femmes disparaissent. Ce mouvement éditorial était à la fois politique et esthétique, mettant en avant la lutte des femmes à travers des récits innovants. Son succès a démontré l’importance du marché pour les livres féministes pour enfants, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère de la littérature jeunesse engagée.

Deuxième temps – Échange autour de la réédition de On tue les petites filles de Leïla Sebbar.

Par la suite, un deuxième temps autour du livre On tue les petites filles de Leïla Sebbar s’est mis en place. L’autrice était accompagnée d’Anne Schneider MCF HDR en langue et littérature françaises et Annie Lochon, post-doctorante en sociologie des VSS sur le projet EQELLES, ayant toutes deux œuvré pour la réédition du livre.

Ces dernières ont introduit leur temps fort par la présentation de Leïla Sebbar ainsi que de son travail d’écriture. L’autrice a par la suite évoqué l’écriture d’On tue les petites filles, ainsi que de sa méthode et de ses recherches autour du sujet. Leïla Sebbar a notamment décrit son intérêt autour des violences sexuelles et sexistes vécues par les enfants et surtout les filles ainsi que l’évocation souvent injuste de celles-ci. L’autrice a aussi évoqué la difficulté rencontrée dans un dilemme entre porter l’intérêt sur un type de violence ou le traitement de toutes celles qui peuvent être citées/rencontrées.

Par la suite, Annie Lochon et Anne Schneider ont présenté le travail de réédition du livre ainsi que leurs motivations à réaliser ce travail. Les deux chercheuses ont pu expliquer que selon elles, le livre était précurseur à son époque. Selon elles toujours, ce récit illustre le mouvement de la deuxième vague du féminisme mais aussi l’invisibilisation des violences patriarcales sous toutes ses formes et ce, surtout au sein de la sphère familiale, à l’heure actuelle de la mise en lumière de la CIVISE et des victimes d’incestes.

Ce deuxième temps de la matinée s’est terminé avec un échange entre le public et Leïla Sebbar. Les étudiant.es et chercheur.euses ont notamment pu interroger l’autrice autour de ses motivations, de ses investigations et de ses écrits autour de la question du féminisme, mais aussi de la représentation de l’Algérie en France.

« Des ressources féministes au service de la pédagogie »

Troisième temps – Présentation du DIRFem.

Après une courte pause, le troisième temps de la journée a pu débuter. Celui-ci était animé par Sophie Devineau et Clara Besnouin et visait à introduire le DIRFem, le Dictionnaire Interactif critique des Ressources Féministes : https://dirfem.fr/

 

Les intervenantes ont débuté cette présentation par le projet EQELLES, initiateur du DIRFem. Ce projet s’articule autour des doubles thématiques « En-Quête de Soi et une En-Quête d’Elles », initiateur de la double journée de colloque. Par la suite, les intervenantes sont revenues sur différents mots-clés notamment celui du genre, point d’ancrage à un grand nombre de débats actuels. Selon elles, le genre est une notion importante permettant de décoder le sens des choses. Les intervenantes ont pris un temps afin de présenter deux supports importants : La fabrique des filles de Françoise Thébaud et Rebecca Rogers mais aussi la revue Sorcières.

Afin de mettre en avant l’importance du DIRFem, Sophie Devineau a alors rappelé l’essence même de l’École. Selon elle, l’école est une mise à la norme et doit donc réfléchir à quelles normes elle transmet et met à disposition des élèves. En ce sens, cela permet de mettre en avant l’utilité du DIRFem qui recense justement toutes les ressources portant un intérêt au féminisme. Cette plateforme propose aussi un dossier pédagogique avec différentes activités à réaliser avec des enfants. Chaque ressource proposée est à disposition de tous et est ouverte à tout apport ajouté par chacun.e.

Après-midi :

Quatrième temps – Immersion dans la création du musée du féminisme.

Ce quatrième temps de la journée a initié l’après-midi de cette deuxième journée de colloque. Ce moment était présenté en visioconférence par Julie Botte et portait sur l’inauguration ainsi que le processus de création du musée du féminisme porté par Christine Bard au sein de l’Université d’Angers.

Celle-ci a ainsi commencé par une présentation succincte de sa thèse, mais surtout ce qu’il l’avait amené à son étude. Elle y fait le lien entre musées et féminismes, ainsi que musées et minorités. Elle met en avant le fait que les musées traitant les questions des féminismes et des groupes minorisés sont créés par des groupes des femmes et non par l’État. Julie Botte a également pu présenter divers dispositifs de médiation féministes questionnant l’égalité. En effet, après une étude quantitative et qualitative des collections, s’est imposée à elle la nécessité de modifier les représentations. Cela transparaît dans l’usage d’un langage inclusif, une mise en contexte d’œuvre lorsque cela est nécessaire, l’utilisation d’approche thématique sur ces questions contemporaines, la création d’outils de médiation spécifique et la création de contenus en collaboration. Elle a ainsi pu citer et présenter une étude du Gender Museum (Aarhus, Danemark), musée et espace culturel parlant et questionnant le genre et mettre en avant des outils tels que le baromètre du genre, le mixeur de genre ou le boulier présent dans ses espaces.  Julie Botte a pu mettre en avant l’aspect participatif et accessible de ces espaces et dispositifs.

Ainsi, les féminismes et les questions de genre sont indispensables dans les espaces muséaux de par leur représentation d’un héritage culturel, politique, artistique et mondial. Ces questions évoluent constamment et défendent leur importance de par leur modernité.

Cinquième temps – Echange autour de la notification des VSS dans les manuels scolaires.

Afin de continuer cette journée d’étude autour des pratiques éducatives autour du féminisme, le cinquième temps s’est articulé autour « [du] traitement du genre et des VSS dans les programmes et les manuels scolaires (collège et lycée). » Cette présentation était portée par Annie Lochon, post-doctorante en sociologie et Sacha Azoulay, doctorant en psychologie sociale, tous deux de l’université de Caen.

La présentation a commencé par une exploration de la notion de valence différentielle des sexes, soulignant l’asymétrie qui existe dans nos sociétés. Le genre a été abordé comme à la fois produit et processus de représentations sociales, influençant la catégorisation sociale et la construction de l’identité. Les intervenants ont alors soulevé la question : pourquoi analyser les manuels scolaires en 2023 ? En réalité, ils ne sont pas simplement des supports pédagogiques, mais ils participent activement à la construction de l’identité des jeunes et à la transmission de valeurs. Or, une analyse attentive révèle des biais et des stéréotypes persistants, notamment dans les domaines de l’histoire, de la géographie, de l’EMC et des SES.

Les chiffres sont éloquents : il y a une sous-représentation flagrante des femmes, que ce soit en tant qu’autrices, figures historiques ou modèles. Le vieillissement lui-même est représenté de manière différenciée, souvent dévalorisant les femmes. Les intervenants ont souligné l’importance de remédier à ces lacunes, proposant des pistes telles que l’écriture inclusive et la mise en avant de portraits féminins inspirants dans les manuels. L’intégration de l’intersectionnalité a également été recommandée pour une vision plus complète et juste.

Enfin, cette présentation a rappelé que le sexisme, sous ses multiples formes, est encore bien présent dans notre société, alimenté par l’école, les médias et la famille. Les stéréotypes, loin d’être anodins, contribuent à perpétuer ces injustices. Analyser et transformer les manuels scolaires apparaît comme une démarche cruciale pour une éducation plus égalitaire et inclusive, en accord avec les valeurs du féminisme contemporain.

Sixième temps – Table ronde avec des autrices-illustratrices d’albums de jeunesse.

En tant qu’avant dernier temps fort de la journée, une table ronde a été proposée. Celle-ci était impulsée par Anne Schneider et présentait les autrices et illustratrices Anne Billows autrice illustratrice de BD et Mai Lan Chapiron, une artiste de la scène musicale et dessinatrice du milieu associatif féministe.

Le roman graphique Amours en cendres est un petit guide pour une sexualité féministe et épanouie écrit par Anne Billows. Avant la présentation de cet ouvrage, l’auteur illustratrice présente son parcours qui l’a amené vers la bande dessinée. Elle évoque notamment l’importance de la recherche dans son processus d’écriture, en le comparant à un travail documentaire. Ce roman graphique raconte 3 histoires compilées en « pause narrative », comme Anne Billows le souligne, qui a été rédigé à partir d’une vingtaine d’interviews de femmes. L’ouvrage est écrit et dessiné en bichromie dans les tons d’orange et violet à l’aquarelle afin de rappeler une certaine douceur dans les couleurs complémentaires. Anne Billows explique notamment l’importance de l’identification et de la représentation des femmes en tant que sujets et non en tant qu’objets. Par le dessin, elle ré-humanise les femmes. Les corps sont représentés en entier et ne sont pas infantilisés ce qui permet de sortir du regard masculin. Les corps sont ceux d’adultes et sont différenciés les uns des autres par leurs morphologies et des caractéristiques singulières. La volonté de l’autrice est de représenter la violence, mais sans jamais l’érotiser.

Sur l’album Le Loup : Mai Lan Chapiron a écrit un album « pour briser le tabou de l’inceste » comme elle le souligne. L’auteure-illustratrice évoque son parcours de musicienne qui l’a amené à mettre des mots, d’abord en anglais de manière « inconsciente » sur l’inceste qu’elle a subi étant enfant par son grand-père. D’abord par les mots, de manière automatique, Mai Lan Chapiron est ensuite passée par le dessin. L’album Le Loup fait référence au sentiment d’être perçu comme une proie, dans l’imaginaire de l’enfance, il s’agit du prédateur. Or, comme le souligne l’auteure, « 94% des agresseurs se trouvent dans l’entourage » : le loup n’est pas dans la forêt ou dehors, mais peut être à l’intérieur de la maison. Mai Lan Chapiron a le souhait de donner des solutions aux enfants, d’informer. Elle a fait le choix d’utiliser une palette graphique aux couleurs et traits doux et réconfortants.

Une question du public est posée concernant la censure de l’ouvrage. Non, l’album n’a pas été censuré même s’il est à destination des enfants puisqu’il est muni d’un cahier d’accompagnement pour adultes. Toutefois, l’autrice souligne qu’il a été difficile de trouver une maison d’édition qui veuille publier le projet tel quel. Mai Lan Chapiron insiste sur le fait que la plupart des éditeurs jugeaient l’album comme « manquant d’une dose d’imaginaire pour atteindre l’enfant. » Plusieurs questions du public se sont enchaînées permettant ainsi un échange convivial et bienveillant avec les autrices-illustratrices.

Dernier temps – Inauguration de l’exposition sur le travail de Leïla Sebbar.

Enfin, la journée s’est terminée par l’inauguration de l’exposition autour de la vie et du travail de Leïla Sebbar. Cette inauguration a été présentée par Anne Schneider et Clara Besnouin. L’exposition était formée d’un affichage de 12 kakemonos, que l’on peut retrouver sur le site du DIRFem, ici.

Celle-ci a été réalisée et mise en place au sein même du hall dans le bâtiment principal de l’INSPE. Grâce au soutien logistique des équipes de l’INSPE de Caen-Normandie, l’exposition est amenée désormais à circuler dans les collèges et les lycées.

 

Les actes de ce colloque seront publiés en 2025 aux éditions des Presses Universitaires de Caen.