• 1803 : Jean-Étienne Portalis, un des rédacteurs du Code civil, « voit en effet dans l’inceste un danger d’éclatement pour la famille, sous le double effet de la confusion des positions de parenté et de l’irruption de la vie sexuelle » (Anne-Claude Ambroise-Rendu). L’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu rappelle qu’en « plaçant l’inceste sanctionnable sous les auspices du viol, c’est-à-dire de la violence, le Code entend tout à la fois dépouiller le droit de la notion de péché et ne pas proscrire cette « conjonction illicite entre personnes parentes ou alliées à un degré prohibé » que dénonçait le droit d’Ancien Régime ».
Pb : la loi ne permet de sanctionner que les attentats commis avec violence, c’est-à-dire qu’il doit y avoir des marques de coups et des blessures. La notion de «violence» n’était pas la même qu’aujourd’hui.

• 1810 : Le Code Pénal désigne les faits d’inceste comme une circonstance aggravante de trois infractions, parce que leur auteur détient une autorité sur la ou les victimes. Les infractions concernées sont le crime de viol, et les délits d’attentat à la pudeur avec violence, et d’attentat à la pudeur sans violence. Sont concernés les ascendants, les beaux-parents, concubins. La forme la plus grave de ces violences, le viol, est présentée à l’article 331 :

« Quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l’un ou de l’autre sexe, sera puni de la réclusion ». La sanction, si la victime a moins de 15 ans est les travaux forcés à temps (art. 332) et des travaux forcés à perpétuité (art. 333) pour les personnes ayant une autorité sur la victime.

Le viol implique une pénétration vaginale complète commise par un homme, par violence, contrainte ou surprise ne changera qu’en 1980.

1832 : introduction du délit d’attentats à la pudeur sans violence sur les mineurs de moins de 11 ans – Si l’auteur des faits est un ascendant, cela constitue une circonstance aggravante du crime.
• La loi du 13 avril 1863 complète l’article 331 sur les attentats à la pudeur sans violence et étend le délai à 13 ans.
• La loi du 24 juillet 1889 relative à la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés permet la déchéance de l’autorité paternelle.
• La loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants.
• La loi du 15 novembre 1921 complétant la loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés (puissance paternelle).
• L’ordonnance n° 58-1301 du 23 décembre 1958 relative à l’enfance et l’adolescence en danger + exposé des motifs.

La loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale.

La loi du 23 décembre 1980  relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs est la première à définir le viol en droit (le code pénal de 1810 ne prévoit que des sanctions) : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise ».

Les sanctions prévues vont de cinq à dix ans de réclusion criminelle, ou de dix à vingt ans quand il est commis sur une personne vulnérable ou un mineur de moins de 15 ans, ou que l’auteur des faits a autorité sur la victime.

«Entre 1810 et 1964, l’inceste représente en moyenne un cinquième (21 %) des affaires de viols et attentats à la pudeur sur enfants traités par les assises», estime Anne-Claude Ambroise-Rendu. Un tabou majoritairement transgressé.

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• La loi du 22 juillet 1987 relative à l’autorité parentale prévoit l’audition du mineur par le juge en matière d’assistance éducative, de délégation, de déchéance de l’autorité parentale et lors du divorce de leurs parents pour les mineurs de plus de 13 ans.
• La loi du 10 juillet 1989 relative à la protection des mineurs et la prévention des mauvais traitements.
• 1989 : Convention Internationale des droits de l’enfant adoptée par l’ONU
• La loi du 8 janvier 1993 a notamment rendu possible l’audition du mineur capable de discernement.
• La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
• La décision du Conseil constitutionnel : Déc. n° 99-419 DC du 9 nov. 1999, relative au PACS, cons. n° 74 : « la prohibition de l’inceste de « règle d’ordre public régissant le droit des personnes ».
• La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.
• La loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance renforce la protection des mineurs en danger.
• La loi du 9 mars 2004 porte sur l’adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité. Elle prévoit notamment l’allongement des délais de prescription des infractions sexuelles commises sur des mineurs ainsi que la création du fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles.
• La loi du 5 mars 2008 réformant la protection de l’enfance avec la mise en place des cellules de recueil d’informations préoccupantes et les observatoires de l’enfance en danger.
La loi du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal.
La loi n°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (allongement des délais de prescription si l’auteur a commis d’autres agressions = prescription glissante). La victime peut porter plainte jusqu’à 30 ans après sa majorité.
Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. Elle prévoit notamment qu’un mineur de moins de 15 ans ne peut pas consentir à un acte sexuel avec un adulte et que tout mineur (personne de moins de 18 ans) ne peut donner son consentement à une relation incestueuse.

• La CIIVISE rappelle que « le décret du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille crée dans le code de procédure pénale un article D.47-11-3 qui dispose que lorsqu’un parent mis en cause pour non-représentation d’enfant allègue que l’enfant est victime de violences par l’autre parent, le procureur de la République doit faire vérifier ces allégations avant toute poursuite pour non-représentation d’enfant ».

La définition du viol est aujourd’hui : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »

• En 2023-2024, de nombreuses voix plaident au niveau européen pour que la notion de consentement soit introduite dans la définition du viol. Le viol serait défini comme une pénétration sexuelle ou acte bucco-génital sans le consentement de la victime.

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Source vidéo : Euronews , 7 février 2024.

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Tribune « Violences sexuelles : « La France doit inscrire le consentement au cœur de l’infraction de viol » », Le Monde, jeudi 23 novembre 2023, p. 28. (Capture d’écran Europresse)

En France, une telle modification de la loi entraînerait une conception plus large du viol, au-delà de la violence (physique et morale), de la contrainte (physique et morale), de la menace et de la surprise. Avec ces critères, la charge de la preuve incombe à la victime.

Capture d’écran Europresse, Le Monde du 16 mars 2024.

La Cour Pénale Internationale (CPI) a forgé une définition du viol qui s’appuie sur le consentement. Le Tribunal international pénal pour l’ex Yougoslavie (TPIY), dans l’affaire Kunarac et consorts en 2001, a défini le viol comme constitué par : « la pénétration sexuelle, fût-elle légère : a) du vagin ou de l’anus de la victime par le pénis du violeur ou tout autre objet utilisé par lui ; ou b) de la bouche de la victime par le pénis du violeur, dès lors que cette pénétration sexuelle a lieu sans le consentement de la victime. »

N.B. : La CIP siège à La Haye au Pays-Bas et a été instituée par 120 pays en 1998.

Pour aller plus loin sur la notion de consentement sexuel

En matière de protection de l’enfance, la législation se construit peu à peu au fur, et à mesure que des problématiques se présentent.

Ce tableau résume les situations légales avant 2012 (date de publication). Il montre que, même si le terme inceste n’apparait pas dans le code pénal, les faits commis par un ascendant, les personnes ayant autorité ainsi que par les adelphes sont prévus par la loi.

D’autre part, la compréhension de la « violence » a évolué ces dernières années et les réactions psychologiques des victimes en cas d’agressions sont mieux connues. En effet, depuis la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, les juges n’ont plus à établir qu’il y a eu violence, contrainte, menace ou surprise pour constater et punir :

  • les viols et les agressions sexuelles qualifiés d’incestueux sur un mineur de moins de 18 ans ;
  • les viols et les agressions sur mineur de moins de 15 ans lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans.