Pourquoi Méduse ? La sorcière ? La harpie ? La femme à barbe ?

Des figures mythiques terrifiantes, fatales ou monstrueuses vont forger tout au long de l’histoire des contre-modèles féminins afin de soutenir dans l’éducation des jeunes les seules prescriptions tolérées pour que les femmes restent bien à leur place et se détournent du pouvoir sous peine d’être punies.
Méduse est l’une d’elles.

Méduse, monstrueuse

Le musée des Beaux-Arts de Caen a proposé du 13 mai au 17 septembre 2023 une exposition dédiée à Méduse.

« Figure incontournable de la mythologie grecque, Méduse a exercé son pouvoir de fascination sur de nombreuses générations d’artistes qui ont contribué à la création d’un répertoire d’images d’une richesse inouïe. Communément reconnaissable à sa chevelure grouillante de serpents et ses yeux écarquillés, la figure de Méduse n’a cessé de se renouveler à travers les âges. L’exposition du musée des Beaux-Arts de Caen est consacrée à l’évolution de ces représentations, des premières sources iconographiques de l’Antiquité jusqu’aux productions artistiques les plus récentes. »

Méduse a fasciné des générations d’artistes. Aujourd’hui encore, les peintres, sculpteurs ou dessinateurs la considèrent comme une femme puissante, féministe, capable même d’inverser les rôles. Symbole de damnation, Méduse est l’incarnation d’un pouvoir féminin. Une femme fatale, dont les sorts sont une réponse à toute une tragédie initiale, faite de violences sexuelles, d’injustice, d’impunité. Le mouvement #MeToo s’est emparé de ce symbole. « C’est la seule figure de la mythologie qui est née dès l’Antiquité et qui a été ressaisie tout récemment au 21eme siècle, avec le mouvement #Metoo notamment, c’est la seule, il n’y a pas d’autres exemples » explique Emmanuelle Delapierre, Directrice du Musée des Beaux-Arts de Caen.

La figure de Méduse traverse les époques et est mise en lumière par l’autrice féministe Hélène Cixous à l’époque du MLF.

Marta Segarra écrit ce texte à propos de cet ouvrage :

Le Rire de la Méduse prend bien sûr la défense des « femmes » à un moment où, comme Cixous elle-même l’a maintes fois rappelé, il fallait se prononcer haut et fort contre les structures patriarcales qui les opprimaient – bien que, dès le début, le texte nous prévienne contre l’existence d’une « femme générale, une femme type ». Ici, Hélène Cixous déconstruit deux « mythes » qui ont défini la féminité de façon négative tout au long de l’histoire. Le premier est celui qui qualifie la femme de « continent noir », laissant entendre qu’elle doit être pénétrée, colonisée, pour être connue et cartographiée, pour apprivoiser sa différence comme celle de tous les autres sujets hors norme. Freud va jusqu’à affirmer que la femme et sa sexualité sont une « énigme ». Le Rire de la Méduse déclare que « Le “Continent noir” n’est ni noir ni blanc ni inexplorable ». Il s’attaque ensuite au second faux mythe, celui de la femme fatale représentée par la figure mythologique de Méduse : « Il suffit qu’on regarde la méduse en face pour la voir : et elle n’est pas mortelle. Elle est belle et elle rit ».

Pour aller plus loin

Les éditions nathan proposent, spécial enseignant.e.s : des ressources pédagogiques sont à votre disposition pour étudier cet ouvrage en classe. :

Recommandé dès 11 ans, les éditions Nathan proposent dans la série histoires noires de la mythologie :
La malédiction de Méduse, victime devenue monstre.

« Aux confins du monde, la jeune Méduse vit avec ses deux sœurs : des trois Gorgones, c’est la seule à ne pas être immortelle, mais c’est aussi la plus belle. Si désirable que Poséidon lui-même la force à lui succomber dans l’enceinte d’un temple d’Athéna. Athéna, furieuse, ne supporte pas qu’on ait ainsi souillé son temple. Elle transforme Méduse en créature hideuse, au visage défiguré, aux cheveux hérissés de serpents vivants. Désormais, son regard pétrifiera quiconque osera la contempler. Marquée par cette terrible malédiction, Méduse devient très vite d’une grande cruauté, qui la mènera à sa perte… »

Afin de mieux connaître Méduse, des repères historiques à vocation pédagogiques sont proposés en fin de volume.

La harpie, injure aux féministes

Dans la mythologie, la harpie est un monstre fabuleux à la tête de femme et au corps de rapace. Dans son usage familier, la harpie désigne une femme méchante, criarde, acariâtre.
Ce terme injurieux est un moyen utiliser pour diqualifier les féministes :
« Je crois que c’est la grande peur de déplaire à l’homme. Si on est féministe, on fait peur, on est une harpie en puissance, c’est parce qu’on est frustrée. Une féministe c’est, pour un homme, avant tout une emmerdeuse. Et en tout cas être féministe c’est avoir le courage de dire « comptez pas sur moi pour faire le numéro de la séduction ». C’est un mot qui implique bêtement le rejet de toute séduction alors que la (bonne) séduction a tellement de facettes ! » (« Gisèle Halimi. La cause du féminisme », Travail, genre et sociétés, 2005/2 (Nº 14), p. 5-25.)

Contre ces femmes puissantes se dresse les mouvements masculinistes (Christine Bard, Mélissa Blais, Francis Dupuis-Déri (dir.) Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui , PUF, 2019.)

Lire aussi

Le double visage de Pénelope

« Selon Suzanne Saïd (Homère et l’Odyssée, Paris, Belin, 1998, p. 239), Pénélope est à bien y songer le pendant féminin d’Ulysse, la meilleure des femmes de l’Odyssée tandis que son époux est un des meilleurs Achéens. La ruse de Pénélope au travers du tissage du linceul se révèle d’ailleurs être la preuve de la mètis (ruse) de Pénélope, la faisant accéder au même titre que son mari au rang des personnages sages et rusés. » (Marie Bastien, Une réécriture féministe du mythe d’Ulysse : Pas moins que lui, Violaine Bérot :Extrait des Folia Electronica Classica, t. 39, janvier-juin 2020)

« Pénélope n’est pas seulement un personnage légendaire. Son nom inspira diverses associations de femmes, comme les condamnées de la prison de Rennes, sans parler des multiples usages commerciaux. C’est aussi le nom emblématique retenu à la fin des années 1970 pour baptiser une revue d’histoire et d’anthropologie des femmes. Ce choix s’imposa, non sans discussions, pour des raisons de forme et de fond mêlées. En empruntant à Pénélope les traits de la ruse et de la résistance, l’entreprise affichait l’idée d’une action vitale et combattante, d’une histoire sans fin, toujours à reprendre. » (Cécile Dauphin, 2001).

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Subversion des normes corporelles, ambivalence des sexes et pouvoir : La femme à barbe

La femme à barbe incarne une ambivalence des sexes dérangeante pour l’ordre social de genre.

Dans son article pour The conversation, María del Mar Albero Muñoz Profesora Titular de Historia del Arte, Universidad de Murcia, écrit : « La pilosité féminine a toujours fait l’objet de commentaires et de représentations particulières. Dans le monde oriental de l’Antiquité, on trouve des images de femmes barbues sans charge négative, comme la déesse Ishtar de Babylone, le pharaon Hatchepsout d’Égypte, ou la « Vénus de Barbate » de l’île de Chypre. Mais dans le monde occidental, la présence de la pilosité faciale féminine était principalement associée à la nature primitive des femmes, et on l’associait automatiquement à un comportement libidineux, comme si cette particularité rendait les femmes moralement répréhensibles.

Dès les premières descriptions de l’origine du monde, les textes bibliques et la littérature justifient la supériorité de l’homme sur la femme, montrant la femme comme un mal en soi, un être beau mais aux instincts bas par nature, par opposition à l’image de l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. »

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Pourquoi sorcière ?

Peinture de Jacques Raymond Brascassat intitulée La Sorcière (huile sur toile, 1835, Musée des Augustins, Toulouse).

L’anti-modèle de « la femme » est celui de la sorcière : la bonne contre la mauvaise fille, la fille bien éduquée opposée à la fille émancipée, rebelle et présentée comme diabolique puisqu’échappant à la morale chrétienne et à ses préceptes sur le rôle des femmes.

Silvia Federici explore les ressorts des chasses aux sorcières dans son livre paru en 2014 Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive (https://www.youtube.com/watch?v=6slpgAFwlkU ; https://genrelittculture.hypotheses.org/1254)

Maryse Condé

Regarder

Maryse Condé – Entretien sur l’Afrique, les Antilles, la langue créole et le féminisme
Maryse Condé / Le coeur à rire et à pleurer / La p’tite librairie

Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage : « En 2020, Maryse Condé est consacrée par le prix Nobel « alternatif » de littérature »

« À 89 ans, Marysé Condé, née à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, est aujourd’hui une auteure mondialement reconnue. Toute sa carrière, elle s’est évertuée à placer la Caraïbe au cœur de ses écrits. Son œuvre la plus célèbre est sans aucun doute Moi, Tituba sorcière (1986). »

Extrait de sa fiche Wikipédia : « Journaliste, professeure de littérature et écrivaine d’expression française, « guadeloupéenne indépendantiste » comme elle l’a toujours revendiqué. Elle est l’auteure d’une œuvre conséquente de renommée mondiale. C’est grâce au roman Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem (1986) qu’elle reçoit en 1987 son premier prix littéraire : le grand prix littéraire de la Femme. Puis elle reçoit en 1993 le prix Puterbaugh, décerné aux États-Unis à un écrivain de langue française pour l’ensemble de son œuvre et dont elle est la première femme à en être honorée. Le prix Marguerite-Yourcenar est décerné à l’écrivaine en 1999 pour Le Cœur à rire et à pleurer, écrit autobiographique qui fait le récit de son enfance ».

Et dans la revue Sorcières ?

Xavière Gauthier, créatrice de la revue a choisi son nom en référence à l’anti-modèle qu’est la Sorcière, comme elle l’explique pendant le grand entretien avec Leïla Sebbar et Anne Schneider du 5 décembre 2023 lors du colloque EQELLES « éduquer au(x) féminisme(s) : « C’est [l’effervesence du mouvement des femmes] qui m’a amenée d’une façon personnelle à l’idée de créer une revue littéraire et de l’appeler Sorcières, alors « Sorcières », ça, c’est Marguerite Duras qui me l’a soufflé. Elle m’a dit, « tu as lu Michelet, tu as vu ce qu’il dit de la sorcière ? C’est une femme victime de la société patriarcale. La société patriarcale veut endiguer la parole féminine et donc il ne faut pas que la parole féminine soit endiguée ». Donc j’ai repris le mot Sorcières comme on dirait des femmes. Michelet dit que c’était l’unique médecin du peuple pendant 1000 ans. Donc, médecin, guérisseuse, sage-femme et avorteuse. Un pouvoir sur le corps important et brûlée à cause de ça. Cela rejoint quand même la grande histoire, c’est-à-dire qu’à cette période, les grands mouvements, les MLF, moi je ne dis jamais le MLF parce que je trouve qu’il y en avait plusieurs qu’on appelle les tendances, mais tout le monde, toutes les femmes se rejoignaient pour les grandes manifestations, pour la liberté de la contraception et de l’avortement, ça c’est sûr que c’était les plus grandes manifestations ».

Aujourd’hui, les crapuleuses adolescentes déviantes et rebelles, nouvelles sorcières ?

 

« Règlements de comptes entre bandes de filles, insultes, harcèlement sur le net : la violence des filles se médiatise. Au-delà des cas de délinquance, qui restent très minoritaires, les auteurs constatent que les comportements des adolescentes ont changé : plus insolentes, plus agressives, plus « masculines » (elles boivent autant que les garçons et fument plus qu’eux, adoptent une sexualité plus débridée). Cette évolution concerne la sphère familiale, scolaire, urbaine et trouve un terrain de prédilection dans les nouvelles technologies. Leur réflexion,

nourrie de leur expérience, permet aux auteurs de mieux faire comprendre et mieux prévenir, peut-être, ces comportements « déviants » qui reflètent souvent les dysfonctionnements de notre société et les fragilités de nos postures éducatives. Loin des clichés et des idées reçues, les auteurs rappellent aussi que les filles sont avant tout victimes de violences et que nous les autorisons bien moins que les garçons à « sortir de la norme » en devenant violentes. »

Stéphanie Rubi s’est intéressée à la délinquance des jeunes filles mineures. Cette approche interactionniste, pense les actes déviants dans un système relationnel, permettant d’identifier les enjeux identitaires sous-jacents, dans un cadre précis, celui de « la loi du plus fort ». L’analyse des logiques des « crapuleuses » montre que pour se forger une « réputation », elles humilient et manipulent celles et ceux qu’elles qualifient et identifient comme étant plus faibles. Elles font preuve d’attributs et de comportements associés à la « masculinité » et reproduisent des dominations qu’elles subissent par ailleurs.

Toutes ces injures visent à imposer un modèle stéréotypé de la féminité et à réaffirmer dans la même logique celui d’une masculinité se réservant le pouvoir d’agir.

Lire

Stéphanie Rubi, Les « crapuleuses », ces adolescentes déviantes, Le Monde – Presses universitaires de France, Paris, 2005.
Marlaine Cacouault-Bitaud, « Stéphanie Rubi, Les « crapuleuses », ces adolescentes déviantes », Sociologie du travail, Vol. 48 – n° 4 | 2006, 592-594.

Subversion des normes : la force des femmes

Au long de l’histoire, les femmes ne se sont pas simplement soumises ni résignées à l’exclusion mais ont fait preuve d’agentivité.

Ce sujet intéresse le monde de la recherche actuelle, en témoigne l’organisation en 2021 de ce colloque international organisé dans le cadre du projet de recherche développé par le CÉRÉdI et l’Université de Rouen-Normandie, avec le soutien de l’IRIHS et le marrainage de la SIEFAR intitulé : la force des femmes, hier et aujourd’hui (XVIe-XXIe siècles) – Fortes de corps, d’âme et d’esprit : récits de vie et construction de modèles féminins du XIVème au XVIIIème siècle. Un ouvrage retraçant les communications et les échanges de ce colloque est en cours de parution aux PURH.

 

 

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Suzanne Buisson, résistante féministe. Suzanne Buisson, née le 22 septembre 1883 à Paris (IXe arr.), morte en déportation à Auschwitz-Birkenau ; militante socialiste SFIO de Seine-et-Oise [Hauts-de-Seine] ; secrétaire du Comité national des Femmes socialistes. […] Elle fut toute sa vie une ardente propagandiste des droits spécifiques de la femme et de ses droits politiques à l’égal de l’homme. […] Elle fut longtemps secrétaire du Comité national des Femmes socialistes, et directrice de la page hebdomadaire du Populaire, « La femme, la militante » […] Propagandiste infatigable, elle sillonna la France. (Ref. Le MAITRON Notice Suzanne Buisson) Cofondatrice et responsable du réseau de résistance, en zone Sud, du Parti socialiste (Ref. Cercle d’étude de la déportation et de la Shoah )

Cécile Brunschvicg, femme politique militante. Cécile Kahn, dite Cécile Brunschvicg, (Enghien-les-Bains, 19 juillet 1877 – Neuilly-sur-Seine, 5 octobre 1946) est une femme politique et féministe française. Elle est nommée sous-secrétaire d’Etat à l’Éducation Nationale dans le premier gouvernement de Léon Blum en 1936. Son ministre de tutelle est Jean Zay. Elle est avec Suzanne Lacore et Irène Joliot-Curie la première femme d’un gouvernement français. (Réf. Wikipédia)

Naziq al-Abid, née en 1887 ou 1898 à Damas (Syrie) et morte en 1959 à Beyrouth (Liban), est une militante nationaliste et féministe syrienne, engagée pour l’indépendance nationale et les droits des femmes. (Réf. Wikipédia)

A côté des quelques femmes célèbres que la mémoire a retenues, de nombreuses anonymes sont restées dans l’ombre et n’ont pas bénéficié de la reconnaissance de leur bravoure à la hauteur de leurs actions. Contre cette invisibilisation systématique et cette injustice, des études récentes s’emploient à sortir de l’oubli ces histoires de vie et à rétablir la vérité historique.

Comme pour nombre de femmes résistantes dont la mémoire héroïque n’avait pas été conservée, le destin brisé de Marguerite Buffard-Flavien va être reconstitué sur la base d’archives et d’une riche correspondance (Christian Langeois, Marguerite. Biographie de Marguerite BuffardFlavien (1912-1944), Éditions le Cherche-Midi, 2009).

« Née le 20 juin 1912 à Gillois (Jura), morte par suicide le 13 juin 1944 à Lyon (Rhône) pour échapper à la torture ; professeur de philosophie ; militante communiste, secrétaire de la région communiste du Calvados. Elle fit partie de l’état-major des FTPF de la région lyonnaise dont elle dirigea le bureau de renseignement (Service B). » MAITRON Dictionnaire biographique Fusillés, Guillotinés, Exécutés, Massacrés 1940-1944

Lire

Lire : Muriel Pichon, « Cécile Brunschvicg née Kahn, féministe et ministre du Front populaire », Archives Juives 2012/1 (Vol. 45). p. 131-134. 

Françoise Thébaud, « Christian Langeois, Marguerite. Biographie de Marguerite Buffard-Flavien (1912-1944) », Clio [En ligne], 39 | 2014, mis en ligne le 01 juin 2014

Figures et personnages de criminelles. Des histoires tragiques au roman policier, sous la direction d’Ariane Ferry et de Sandra Provini, coll. « Genre à lire… et à penser », Presses universitaires de Rouen et du Havre.

Présentation de l’éditeur : Cet ouvrage riche, auquel 28 auteurs ont porté leur contribution, se situe dans le contexte scientifique de la réévaluation, par les sciences humaines, de la violence féminine, objet de discours moraux, religieux ou encore médicaux. Il explore deux types de récits fictionnels, puisant largement dans le fait divers tout en convoquant les figures mythiques (Circé, Clytemnestre, Charlotte Corday, etc.) : l’histoire tragique des XVIème et XVIIème siècles et le roman policier du XIXème au XXIème siècle. Ce volume interroge les représentations de la criminalité féminine, leurs invariants et leurs évolutions, en n’omettant pas les ressorts narratifs de la criminalisation des femmes.

Voir aussi

Dina Lévi-Strauss née Fernande Dreyfus en 1911 à Milan, décédée en 1999 à Paris est une philosophe, ethnologue, résistante et haute fonctionnaire française.

A partir de sa page wikipédia et de la notice de Christian Langeois en date du 2 mars 2024 (Le Monde, 8 février 2024 dans l’article « la grande traversée de Claude Lévis-Strauss ») :

Agrégée de philosophie (1934) , elle est affectée au lycée de Troyes en 1939 à son retour d’expédition interrompue pour raison de maladie, et de sa mission culturelle au Brésil.

Elle a effectué au Brésil des recherches pour l’ethnologie conjointement avec son premier mari (mariage en 1932), Claude Lévi-Strauss dont elle se sépare en 1939.

Elle figure sur le registre du lycée de Troyes sous le nom de Lévis-Strauss, puis elle en disparaît dans la même période que Marguerite Buffard Flavien.

Elle participe à la résistance dans la région de Montpellier sous le nom de Denise Roche et sera à ce titre commandeur de la Légion d’honneur.

Après leur séparation, Dina Dreyfus ne publie plus rien en ethnologie. Sa contribution aux recherches de terrain en particulier auprès des groupes de femmes est largement oubliée. Dans Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss ne mentionne son ex-compagne qu’une seule fois, pour son départ de l’expédition. Dans son album Saudades do Bresil, il exclut toutes les photographies qui la représentent. Ce n’est qu’en 2001 que paraissent enfin des documents photographiques authentiques et non retouchés de l’expédition attestant l’important travail de terrain de Dina.

Après la guerre, Dina devenue Dreyfus enseigne à nouveau la philosophie, d’abord en classe préparatoire à Versailles (là même où fut élève Marguerite), au lycée Molière de Paris, au lycée Fénelon, tout en étant parallèlement chargée de cours à la Sorbonne auprès de Vladimir Jankélévitch.

Quittant la khâgne de Fénelon, elle est nommée en 1962 « Inspecteur de l’Académie de Paris », et se consacre aux questions de pédagogie et de didactique de la philosophie. Avec son collègue Claude Khodoss, elle publie en décembre 1965 un article fondateur qui contribue à la mise en place de nouveaux programmes d’enseignement de la matière dans les lycées. Elle devient alors la première femme à être nommée à l’Inspection générale de philosophie. Elle travaille à la modernisation de la discipline, intégrant entre autres les nouveaux médias parmi les dispositifs pédagogiques. Elle inaugure ainsi les premières émissions de radio télévision scolaire en philosophie, réalisées de 1964 à 1968 par Jean Fléchet, avec la collaboration d’Alain Badiou. .

Parmi ses élèves et étudiants, on peut citer Françoise Héritier, Assia Djebar, Anne Fagot-Largeault, Bertrand Saint-Sernin ou encore Danièle Sallenave.

Parmi ses publications :

  • Indiens du Mato-Grosso (Mission Claude et Dina Lévi-Strauss), catalogue, 1937.
  • La Transcendance contre l’Histoire chez Simone Weil, Mercure de France 1053 (1951).
  • Imposture et Authenticité dans l’Œuvre de Bernanos, Mercure de France 1069 (1952).
  • Cinéma et langage, DIOGÈNE – revue trimestrielle publiée sous les auspices du Conseil International de la Philosophie et des sciences humaines et avec l’aide de l’UNESCO / Gallimard (1961)
  • Freud : Psychanalyse, textes choisis, coll. « Les grands textes », Paris : PUF, 1963.
  • Présentation des émissions de philosophie à la télévision, in L’Éducation nationale, no 36 (1964), repris dans Cahiers philosophiques, no 55 (1993).
  • (Avec Claude Khodoss) « L’enseignement philosophique », Les Temps Modernes, no 235, décembre 1965, p. 1001-1047.
  • (Avec Florence Khodoss) Hume : L’Homme et l’expérience, textes choisis, coll. « Les grands textes », Paris : PUF, 1967.
  • Figures de la pensée philosophique : écrits de Jean Hyppolite, 1931-1968, coll. « Epiméthée », Paris : PUF, 1971.
  • Le temps des philosophes, textes des émissions de philosophie conçues par Dina Dreyfus en 1965 et 1966 repris dans Cahiers philosophiques, n° hors série (juin 1993).
  • Écrits, édités et présentés par Christiane Menasseyre et Bertrand Saint-Sernin, Paris : Hermann, 2013.

Pour aller plus loin

Bertrand Saint-Sernin, « Dina Dreyfus ou la raison enseignante », Les Temps modernes, vol. 44, no 516,‎ 1989, p. 142-157.

Annabelle Bonnet, « Dina Dreyfus et Simone de Beauvoir, deux horizons pour des temps nouveaux », in La Barbe ne fait pas le philosophe. Les femmes et la philosophie en France (1880-1949), CNRS Éditions, 2022, p. 289-309.