Fait-divers

Le fait-divers :

  • Est une « rubrique rassemblant les événements du jour tels les crimes, les accidents, les catastrophes, les enlèvements, les vols, les agressions, etc. […] En talien : cronaca -> faire diversion, tournée, voyeurisme» (Jacques Le Bohec, Dictionnaire du journalisme et des médias, Rennes, PUR, Coll. « Didact communication », 2010, p. 244.).
  • Est une « information du « prêt-à-lire » » (Constant, 2005, p. 95) mobilisant les affects et des sensations fortes des lecteur.trice.s, notamment leur indignation, leur pitié, leur dégoût, l’injustice, la révolte ou encore leur horreur. Le fait-divers répond en quelques lignes aux questions « qui », « que », « quoi », « où », « comment », mais rarement au « pourquoi » (lequel questionne la logique des choses) pour décrire l’événement ou le fait qui est très souvent insolite, sensationnel, exceptionnel, extraordinaire, hors normes, mystérieux, dramatique ou avec une part de suspens. Par conséquent, les faits divers possèdent une dimension spectaculaire et captivante. A ce propos, l’historien Gérard Noiriel explique que le fait-divers combine « des éléments empruntés à la science (le fait vrai et vérifié) et des éléments empruntés à la littérature » (mise en intrigue), ce qui assure son succès. Selon le philosophe français Roland Barthes (1915-1980), le fait-divers a pour fonction de « préserver au sein de la société contemporaine l’ambiguïté du rationnel et de l’irrationnel, de l’intelligible et de l’insondable ; et cette ambiguïté est historiquement nécessaire dans la mesure où il faut encore à l’homme des signes (ce qui le rassure) mais où il faut aussi que ces signes soient de contenu incertain (ce qui l’irresponsabilise) » (p. 197) ;
  • Mobilise des stéréotypes sociaux, langagiers, narratifs et moraux, des dichotomies ou des antagonismes (la figure de la jeune victime vs l’auteur de violence) et produit un effet loupe sur un événement. Dans le cas de l’inceste, le parent/l’aïeul/le plus grand est supposé avoir le rôle de protecteur alors qu’il n’en n’est rien ;
  • Relate des événements qui sont d’un point de vue statistiques les moins fréquents (la majorité des agressions physiques et sexuelles sont commises par une personne proche de la victime, comme le rappelle les enquêtes de victimisation). Issu du tissu social, le fait-divers ne reflète qu’une partie de la réalité, occulte une partie du phénomène qu’il présente ainsi que la réalité…
  • Est une information peu coûteuse pour les rédactions.

Selon le sociologue français Pierre Bourdieu (1930-2002) « les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion » (Sur la télévision, Liber Editions, 1996). « Le fait divers, c’est cette sorte de denrée élémentaire, rudimentaire, de l’information qui est très importante parce qu’elle intéresse tout le monde sans tirer à conséquences et qu’elle prend du temps, du temps qui pourrait être employé à dire autre chose. » Pour Bourdieu, le fait divers exclut ou prend la place des sujets importants, des faits démocratiques. Il exploite les émotions des lecteur.trice.s et est repris à des fins politiques. Cependant, l’étude de la structure des faits divers permet, pour une catégorie des faits similaires, le passage du fait divers au fait de société.

Pour aller plus loin :

BALBASTRE Gilles « Les faits divers, ou le tribunal implacable des médias », Le Monde diplomatique, décembre 2004, pp. 14-15.

BARTHES Roland, « Structure du fait divers », Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, pp.188-197.

BASTIN Gilles (dir.), « F », Petit lexique du journalisme, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, Coll. « Journalisme en + », 2018, p. 69-74.

DUBIED Annik & LITS Marc, Le fait divers, Paris, PUF, Coll. « Que sais-je ? », n° 3479, 1999. (15% de l’ouvrage est accessible gratuitement ici).

DUBIED Annik, Les dits et les scènes du fait divers, Paris, Librairie Droz, Coll. « Travaux de Sciences Sociales », 2004.

DUFOUR François, « Les 100 mots du journalisme », Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2018, p. 7-126. URL :

HOUEL Annik, « Le crime passionnel, un crime sexiste », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, n° 25, 2011, pp. 12-12.

KALIFA Dominique, « fait divers en guerre » (1870-1914), Romantisme, n° 97, 1997, p. 89.

MERCADER Patricia, HOUEL Annik, SOBOTA Helga, « Le crime dit « passionnel » : des hommes malades de l’appropriation des femmes », Empan, n° 73, 2009/1, pp. 40-51.

NOIRIEL Gérard, « La fait-diversion de l’actualité », Acrimed, jeudi 15 novembre 2018.

VILA-RAIMONDI Martine, « Les cadres d’interprétation d’un lectorat de faits divers », Les Cahiers du Journalisme, n°14, printemps/été 2005, p. 247.

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