Les premiers collectifs militants anglo-saxons

Le premier collectif ouvertement écoféministe est formé aux Etats-Unis en réaction à l’accident de la centrale nucléaire de Three Miles Island (Pennsylvanie) en 1979. Women and Life on Earth est formé à l’initiative d’une douzaine de militantes anti-nucléaire, parmi lesquelles la pionnière Ynestra King. Elles organisent une conférence intitulée « Women and Life on Earth: a conference on eco-feminism in the ’80’s » le 22 mars 1980 à l’université du Massachussetts à Amherst. Six cents femmes du Nord-Est des États-Unis répondent à l’appel et inventent ensemble l’écoféminisme. Pour Ynestra King :

« Aucun membre de la nature vivante ne peut ignorer la menace extrême qui pèse sur la vie sur Terre. Dans le monde entier, nous nous trouvons face à la déforestation, à la disparition de centaines d’espèces vivantes, à la pollution froissante du patrimoine génétique par des substances toxiques et des radiations de faible intensité. (…) Dans le monde entier, la pénurie alimentaire, accompagnée d’épisodes de famines massives, fait rage de façon croissante, car les terres agricoles sont utilisées pour des cultures commerciales destinées à rembourser les dettes des États et non à nourrir la population. Les animaux sont maltraités et mutilés de façon horrible pour tester des cosmétiques, des médicaments et des procédés chirurgicaux. On continue à inventer et à constituer des réserves d’armes d’annihilation toujours plus performants. Le gâteau dont les femmes ont tout juste commencé à goûter leur part grâce au mouvement féministe est avarié et cancérogène. (…) . À quoi bon prendre part à égalité dans un système qui nous tue tous ? [1] ».

Le 17 novembre 1980, elles sont deux mille à marcher sur le Pentagone pour y réclamer l’égalité des droits mais aussi l’arrêt de la course aux armements nucléaires et du saccage de la planète.

[1] Ynestra King, « Healing the Wounds : Feminism, Ecology and the Nature-Culture Dualism”, in Irene Diamond and Gloria Feman Orenstein (éd.), Reweaving the World. The Emergence of Ecofeminism, San Fransisco, Sierra Books Club, 1990, p. 106. Cité et traduit par J. Bugart Goutal, op. cit., p. 32

Mais la mobilisation pionnière aux yeux des écoféministes est celle du Greenham Common Women’s Peace Camp car elle a duré dix-neuf ans, de 1981 à 2000. Tout commence avec la marche de trente-six femmes sur une base militaire de la Royal Air Force où l’OTAN prévoit d’installer des missiles nucléaires. Elles organisent un sitting pacifique et inventif aux abords du site : enchainement joyeux aux clôtures de la base, chants, danses, die-in (allongées au sol), happenings (l’action Embrace the Base est une chaîne humaine réunissant 30 000 femmes le 12 décembre 1982, dansant autour de la base les pieds dans la boue). À la faveur du prolongement de l’occupation, un mode de vie écoféministe se dessine : les femmes assument exclusivement les responsabilités politiques de leur occupation tandis que les hommes assurent la logistique et s’occupent des enfants dans les foyers.