Françoise d’Eaubonne, l’inventrice du néologisme « écoféminisme »

Dessin de Françoise d'Eaubonne

En 1974, en pleine campagne présidentielle, l’écrivaine aux convictions radicales Françoise d’Eaubonne publie Le Féminisme ou la Mort. C’est une réponse à l’ingénieur agronome René Dumont qui présente alors la première candidature écologiste française et qui, dans son manifeste politique L’Utopie ou la mort publié un an plus tôt, avait omis de mentionner la question des femmes.

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Or selon Françoise d’Eaubonne, militante féministe, cette question est centrale et doit être incluse dans la réflexion écologiste en gestation. Elle démontre que le patriarcat exploite la nature au même titre qu’il exploite le corps des femmes.

S’inscrivant dans le courant néo-malthusien des protecteurs de la nature (Fairfield Osborn, William Vogt, Roger Heim, Jean Dorst), Françoise d’Eaubonne alerte sur la croissance exponentielle de la population mondiale, cet « illimitisme démographique », engendrant une consommation exponentielle des ressources terrestres qui met la terre en danger à moyen terme, dans la mesure où ces ressources sont, comme le Rapport Meadows (1972) l’a montré, limitées :

« Même l’invention la plus satisfaisante se heurtera fatalement en fin de compte à la limitation d’un monde fini, le nôtre ; aucun régime politique, fût-ce celui de l’Âge d’or, aucune invention géniale ne changera ce petit fait désolant : notre planète ne compte que 40 000 km de tour, et rien ne lui en ajoutera un seul. »[1]

Pour Françoise d’Eaubonne, le responsable de cette « surpopulation » est le « lapinisme phallocratique ». Pour s’en libérer, les femmes doivent regagner la maîtrise de leur fécondité, ce qui rejoint la préoccupation première de l’ensemble des féministes des années 1970’. La liaison entre l’enjeu féministe et l’enjeu écologiste avait été faite avant d’Eaubonne par Paul Ehrlich dans un essai frappant à l’époque : La Bombe P (1968, traduit en français en 1972) qui s’ouvre sur une description apocalyptique des fortes densités en Inde, rappelant les scènes de rues grouillantes du film Soleil vert qui sort cinq ans plus tard en 1973.

Si D’Eaubonne anime plusieurs groupuscules – « Écologie et féminisme », « Front féministe », « Mouvement Ecologie-féminisme » -, le mouvement écoféministe ne s’enracine guère en France à cette époque-là.

[1] Françoise d’Eaubonne, Écologie et féminisme. Révolution ou mutation ?, Paris, éd Libre et Solidaire, 2018 (1ère éd. 1978), p. 42.